Sommaire : Le souffle du dragon
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L’idée de ce roman est née de la lecture de l’anecdote de Jean Phocas à propos de l’ouverture de la tombe de saint Georges à Lydda. Cette histoire, qui lui aurait été narrée par des prêtres du lieu lors de son passage en 1185, parle d’un flash qui brûla plusieurs hommes qui avaient tenté d’ouvrir le sépulcre, suite à la demande de l’évêque. J’y ai tout de suite flairé quelques éléments propres à une intrigue mâtinée de fantastique. En travaillant l’idée, je me suis dit que c’était aussi l’occasion de mettre en scène un aspect essentiel de mon rapport à l’histoire. En effet, j’estime toujours cette dernière comme le résultat d’une fabrication. D’où naquit la suggestion d’Ernaut de tordre la réalité pour qu’elle se conforme à une légende mieux adaptée. Cela me permettait en outre de bénéficier de plus de libertés opératoires, le lieu saint et un événement public étant bien évidemment plus difficiles à utiliser comme scène de crime.
Pour le cadre général, je me suis donc largement appuyé encore une fois sur les travaux de Denys Pringle (Secular Buildings in the Crusader Kingdom of Jerusalem. An archaeological Gazetteer, Cambridge University Press, 1997 & The Churches of the Crusader Kingdom of Jerusalem. A corpus, Deux volumes, Cambridge University Press, 1993 & 1998). Sa longue notice descriptive de l’existant et du connu des lieux m’a permis de brosser un portrait cohérent de ce lieu si particulier, palais forteresse et lieu de pèlerinage accolé à une ville.
J’ai également beaucoup étudié ce que j’ai pu trouver de l’histoire de Philippe de Naplouse, que les habitués des Qit’a connaissent déjà, ainsi que ses deux frères. Cet éminent baron offre beaucoup de prise à l’invention romanesque, ayant un parcours de vie tortueux et peu banal, tout en ne possédant pas une biographie bien précise. J’ai construit surtout autour de ce que j’ai pu trouver dans un article de Malcolm Barber (« The career of Philip of Nablus in the kingdom of Jerusalem » dans Peter Edbury & Jonathan Phillips (dir.), The Experience of Crusading, Volume 2, Cambridge University Press : 2003, p. 60–78), tout en étoffant avec quelques notices tirées du projet Medieval Lands, dirigé par Charles Cawley (A prosopography of medieval European noble and royal families - http://fmg.ac/Projects/MedLands/ ).
Le cheminement de l’intrigue, qui se voulait à la base un peu ésotérique afin de rendre hommage à un des vénérables initiateurs du genre, Umberto Eco avec Le nom de la rose, a peu à peu glissé vers la science. J’ai tout d’abord étudié les traditions alchimiques telles que j’ai pu les suivre à l’aide des travaux de Serge Hutin (Les alchimistes au Moyen Âge, Paris : Hachette Livre, 1995), complétés par des versions anciennes de La table d’Émeraude (Hermès Trismégiste. La table d’Émeraude. Aux sources de la tradition, Paris : Les Belles Lettres, 2008). Je me suis aussi pas mal appuyé sur le texte de Françoise Hudry sur le De secretis nature (« Le De Secretis nature du ps.-Apollonius de Tyane, traduction latine par Hugues de Santalla du Kitāb sirr al-halīqa », dans Chrysopeia, Tome VI - Cinq traités alchimiques médiévaux, Paris : C.N.R.S. Centre d’Étude des Sciences et des Doctrines, 1997-1999, p.1-154). Bien que tous ces éléments ne soient pas forcément d’importance dans le récit en lui-même, ils m’ont permis d’asseoir solidement le cadre général et de m’appuyer sur des éléments connus en ce qui concerne les savoirs hermétiques, auxquels étaient liées les connaissances scientifiques et leur diffusion.
J’ai bien sûr croisé tout cela avec des éléments d’histoire des sciences proprement dite, à savoir surtout le gros catalogue de l’exposition L’âge d’or des sciences arabes (Paris : Actes Sud/Institut du Monde Arabe, 2005), qui offre autant à voir qu’à lire. J’ai par ailleurs parcouru également le troisième tome de L’histoire des sciences arabes, sur « Technologie, alchimie et sciences de la vie » ( Collection dirigée par Roshdi Rashed, Paris : Éditions du Seuil, 1997) qui m’a permis de resituer tout cela dans un contexte plus global. C’est ce qui m’a incité à opter pour l’usage du phosphore blanc pour dissimuler les crimes et embrouiller les enquêteurs, même si sa « découverte » officielle est considérée comme plus tardive, en contexte européen. Je n’ai malheureusement pas pu me procurer le travail de Eduard Farber (History of Phosphorus , Bull United States National Museum, No. 240, 1965) et j’ai recouru à des auteurs plus anciens, tel que Jean-Chrétien-Ferdinand Hœfer (Histoire de la Chimie, vol. 1, Paris : Firmin-Didot, 1843, 339), ce qui m’a permis de retracer des mentions anciennes d’un manuscrit Ordinatio Alchid Bechil Saraceni Philosophi d’où je sors les termes d’escarboucle et de pierre ou poudre de lune.
Sur le feu grégeois, je me suis référé à John Haldon, qui a traité plusieurs fois du sujet et en a fait une synthèse récente (« Greek fire revisited: recent and current research » dans Elizabeth Jeffreys (dir.), Byzantine Style, Religion and Civilization: In Honour of Sir Steven Runciman, Cambridge University Press, p. 290–325).
Enfin, toutes les histoires autour de saint Georges, qui m’ont permis d’embrouiller plus encore les pistes, reposent pour l’essentiel sur le travail de Michel Van Esbroeck (« L’histoire de l’Église de Lydda dans deux textes géorgiens », dans Bedi Kartlisa, 36, 1977, p.109-131) et de Piotr Grotowski (« The Legend of St. George Saving a Youth from Captivity and Its Depiction in Art » dans Serie Byzantina, I, Varsovie : 2003, p.27-77). Là encore, ce fut pour moi, sur le fond, l’occasion de montrer combien les traditions culturelles s’entremêlent et se nourrissent, tout en offrant l’occasion de créer de fausses pistes d’un point de vue purement narratif.
À lire tout cet étalage de savantes références, je crains que l’on accorde une forte coloration de véracité à mon travail, qu’il ne gagne une autorité de même nature. Même si cela me semble nécessaire de donner les sources qui ont irrigué mon imagination, il ne s’agit absolument pas de prétendre que ce roman soit vrai. Il fut très certainement nourri également des lectures que j’ai faites alors que je le rédigeais, à savoir pour l’essentiel la saga Vorkosigan de Lois McMaster Bujold (Édition J’ai Lu, 3 volumes, 1997-2003) et Fortune de France, de Robert Merle (éditions Plon, 13 volumes, 1977-2003), qu’on ne présente plus, et à qui j’ai emprunté quelques tournures de phrase en hommage.
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