Une des plus grandes difficultés dans la rédaction d’enquêtes se déroulant dans une période historique précise de notre passé consiste à trouver l’équilibre entre le souci documentaire et l’intérêt du récit. Il me semble qu’il est essentiel de bien connaître la société qu’on entreprend de dépeindre, depuis ses aspects les plus triviaux jusqu’aux grands courants intellectuels qui pouvaient la traverser. Ceci afin de puiser aux sources mêmes des idées d’intrigue qui ne soient pas artificiellement plantées dans un décor, aussi clinquant soit-il.
Les écrivains comme Paul Doherty (sous ses différents pseudonymes), Ellis Peeters (les aventures de frère Cadfael), Anne Perry (Monk et Pitt), ou Steven Saylor (les enquêtes de Gordien) sont parmi les auteurs anglosaxons de sagas de ce genre que j’affectionne le plus. En français, Jean-François Parrot constitue un modèle à tous points de vue : écriture et rigueur historique.
Tous ces auteurs allient dans chaque tome une histoire prenante à quelques caractéristiques de la société qu’ils décrivent. Le nœud du mystère est intimement lié au moment, au monde dans lequel leur héros évolue. Bien sûr, on retrouve toujours les mêmes moteurs de la passion humaine, nous n’en sortons guère depuis l’épopée de Gilgamesh. Pourtant leurs intrigues sont si bien entrelacées avec l’univers qu’ils s’efforcent de reconstruire qu’il semble chaque fois difficile de les en séparer.
Un modèle de roman policier historique souvent cité, bien qu’il ne fasse pas partie d’une série à personnage récurrent, est Le nom de la rose d’Umberto Eco. L’érudition qui a donné naissance à cette enquête était une condition sine qua non pour bâtir un édifice si riche en rebondissements. Placer un ouvrage de philosophie au cœur du mystère est sans aucun doute le résultat d’une grande familiarité de l’auteur avec la pensée cléricale du XIVe siècle.
Une autre source d'inspiration, ni littéraire ni historique à proprement parler, est le travail de David Lynch, en particulier dans Twin Peaks. Cette façon qu'il a de brosser une communauté à travers une palette de personnages dont il ne donne pas toujours toutes les clés a fortement influencé la façon dont je conçois un récit, je m'en rends compte désormais. Le mélange des genres, sur le fond comme sur la forme est aussi une caractéristique que j'apprécie dans ses réalisations.
M’efforçant de suivre les mêmes chemins, j’essaie toujours de constamment m’abreuver de recherches historiques, ne serait-ce que pour mieux comprendre certains ressorts de la société médiévale qui pourraient donner lieu à une intrigue prenante. L’écriture de courtes nouvelles me donne en outre l’occasion de tracer rapidement quelques récits enrichissant mon univers lorsque je n’ai pas matière à développer un roman, faute de documentation complète ou de temps pour l’exploiter.
Un peu comme le jardinier prépare ses semis, je laisse les idées encore jeunes se fortifier. Parfois nous sommes surpris par les fruits que porte un plant qui avait semblé a priori peu vaillant.